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Critique - Les Noces de la Renarde (Floriane Soulas) : un 2ème roman réussi dans un Japon entre tradition et modernité !

Par Louis - CINAK
3 min 29 avril 2021
Critique - Les Noces de la Renarde (Floriane Soulas) : un 2ème roman réussi dans un Japon entre tradition et modernité !
On a aimé
- Le jeu entre les trames temporelles
- L'ambiance Urban Fantasy
- Le personnage de Mayuri
On n'a pas aimé

Elle capta le musc des tanukis, le chahut de leurs rires et de leurs jeux. Au fur et à mesure que la noce traçait sa route dans les profondeurs de la forêt, les petits dieux sortaient de leurs abris

Floriane Soulas s’est faite remarquée en 2018 avec son premier roman steampunk, Rouille (Prix Imaginales des Lycéens) où elle nous transportait dans les coulisses sombres de Paris. Aujourd’hui, avec les Noces de la Renarde, chez Pocket, elle nous emmène dans le Japon médiéval sur les traces d’une déesse renarde mais aussi dans un Tokyo ultra-moderne aux côtés d’une lycéenne qui peut voir les yokaïs, ces esprits du folklore japonais.

Les Noces de la Renarde suit donc deux trames temporelles : une médiévale, où le sacré a encore un sens et où la nature est le domaine des dieux, une autre en 2016, où les petits dieux se cachent parmi nous. Dans le passé, Hikari est une kitsune, une déesse renarde pouvant prendre forme humaine. Son clan vit dans les montagnes et surplombe une vallée où s’est installé un petit village humain qui craint les esprits. Hikari est fasciné par ces mortels qui s’agitent au pied de la montagne, ce qui déplaît fortement à ses sœurs renardes qui n’ont que mépris pour les Hommes. Fascination qui va rapidement devenir un problème pour elle quand elle va croiser le chemin de Jun, un bûcheron qui la craint mais l’admire de loin.

Mina, quant à elle, est une lycéenne terrifiée par la ville car elle peut y voir les fantômes et les yokaïs qui évoluent au milieu des humains, invisibles mais parfois cruels avec eux. De plus, elle n’ose s’approcher des gens car un bref contact avec leur peau risquerait de lui faire lire leur souvenir ou leur plus sombres secrets… Mais pour sauver une camarade de classe, elle va se lier à Natsume, une chasseuse de démons et va se retrouver mêler à une affaire de meurtres en série à l’encontre de plusieurs petits dieux et découvrir ainsi les coulisses secrets et magiques de Tokyo.

De prime abord, on ne comprend pas le lien qui unit Mina et Hikari. Floriane Soulas laisse planer le mystère jusqu’à la moitié du roman, ce qui permet de suivre les deux histoires en parallèle indépendamment et ainsi de s’attacher aux jeunes femmes pour leur histoire et non pour un plaisir scénaristique. C’est quand Mina cherche à en apprendre plus sur son don (ou sa malédiction selon elle) que ses origines la rapprochent de l’histoire d’Hikari et de son clan. Cette séparation entre les récits permet à l’autrice de nous servir deux très jolies histoires avec chacune leur ambiance bien particulière. L’histoire d’Hikari est avant tout une quête d’émancipation et d’amour avec des touches de mélancolie et de féérie. Tandis que celle de Mina se rapproche plus de l’urban fantasy dans son exploration du demi-monde tokyoïte rempli de fées chanteuses de bar et de tanukis barmen… Ces deux récits sont servis par un style très descriptif mais qui sait conserver sa sobriété pour laisser aller notre imagination pour les scènes de banquets féériques ou encore les ambiances feutrées des bars « clandestins » de Tokyo. Chaque scène permet au récit d’avancer jusqu’à la conclusion finale : à aucun moment de ma lecture des Noces de la renarde je ne peux dire que je me sois ennuyé !

Les notes de bas de page de l’autrice expliquent un terme japonais spécifique et permettent de nous éclairer sur un point précis de la culture japonaise sans exposer et alourdir le récit, tout en nous donnant l’impression de réel à la lecture. L’autrice a su parfaitement restituer cette ambiance japonaise unique : entre tradition et modernité.

J’ai une affection toute particulière pour le personnage de Mayuri, ce fantôme d’une lycéenne solitaire qui ne sait pas qu’elle est morte et qui erre dans son école et discute de temps à autre avec Mina. C’est quand elle réalise qu’elle est décédée qu’elle va réellement prendre de l’ampleur dans le récit et qu’elle va aider Mina dans sa quête sur ses origines. Son histoire touche et approfondit le récit tout en servant de manière très juste l’histoire. L’autrice réussit à nous attacher à ses personnages secondaires, ce qui n’est pas une mince affaire dans un roman aussi court.

Les Noces de la renarde est à la fois un conte cruel et touchant où passé et modernité se mêlent dans deux magnifiques histoires. On ressent tout l’amour de l’autrice pour ce pays rempli de mythes et de légendes qu’est le Japon et nous le présente avec simplicité et nous accompagne dans l’exploration d’une culture compliquée mais ô combien riche. Floriane Soulas est une très belle voix de la fantasy française et j’adorerais la voir s’atteler à un récit porté par un souffle épique, tout en conservant la douceur de son style et de ses histoires. Après les Noces de la renarde, je ne regarderais plus de la même manière les pluies d’été par grand ciel bleu…

Chez l’éditeur (poche)  

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Crédit illustrateur : Aurélien Police